Xynthia, une violente tempête a touché une grande partie du territoire français dans la nuit de samedi à dimanche 28 février. Il s'agit de la tempête la plus meurtrière depuis celles de 1999 : plus de 50 morts et des dégâts considérables notamment sur la façade atlantique.
Moins violente que la tempête Klaus de 2009 mais aussi étendue que Lothar et Martin qui ont balayé la France en 1999, la tempête Xynthia a traversé la France le 28 février entre 0h et 17h, selon un axe orienté sud-ouest / nord-est, après avoir frappé le Portugal et l'Espagne. Xynthia, qui vient de passer sur l'Allemagne avec des dégâts limités, s'évacue dans la mer Baltique.
Selon Météo-France, "les rafales de vent les plus fortes ont touché une large bande allant de la Charente-Maritime aux Ardennes. La Vendée (85), la Charente-Maritime (17), les Deux-Sèvres (79) et la Vienne (86) ont été placés en vigilance rouge vents violents. Plus de 60 départements ont été placés en vigilance orange."
Cette profonde dépression (970 hPa seulement) était d'une taille et d'une intensité peu communes en cette fin d'hiver. Sa formation s'explique par la présence beaucoup plus au sud que d'habitude du courant froid de haute altitude (courant-jet ou jet stream en anglais), avec des vents d'ouest rapides et très forts, et d'une masse d'air chaud en basse couche, dans les 1500 premiers mètres de l'atmosphère.
La tempête qui en résulte a produit des fortes vagues, mais également des élévations importantes du niveau de la mer, qui, se trouvant en phase avec la marée haute, a eu un impact important sur le littoral.
Météo-France a relevé des vents qui ont atteint 160 km/h sur le littoral et 120-130 km/h dans l'intérieur des terres avec des pointes à 237 km/h en altitude. C'est toutefois moins qu'en 1999 et 2009 où l'on relevait près de 200 km/h sur le littoral et 150 à 160 km/h dans l'intérieur des terres.
Le dernier bilan national fait état de 53 morts, 7 blessés graves et 72 blessés plus légèrement. Au total, plus de 500 000 personnes ont été sinistrées à des degrés divers.
Une grande partie de la France a été touchée : Bretagne, Basse-Normandie, Sud-Ouest, Est. Ainsi, dans les Pyrénées, des rafales de vent à 200 km/h ont détruit les équipements de plusieurs stations de sport d'hiver qui risquent de rester partiellement voire totalement fermées jusqu'à la fin de la saison.
Le trafic aérien a été fortement perturbé à l'aéroport parisien Roissy-Charles de Gaule où des rafales de vent jusqu'à 126 km/h ont été mesurées. Au niveau de la circulation ferroviaire, de nombreux retards ont été enregistrés.
Au plus fort de la tempête, un million de foyers ont été privés d'électricité en France. Grâce à la forte mobilisation de ses moyens humains et techniques, ERDF a ré-alimenté 78 % du million de foyers privés d'alimentation électrique hier : 220 000 foyers sont encore dans l'attente d'un raccordement. Depuis lundi 1er mars, 5 000 hommes d'ERDF et des entreprises partenaires sont à pied d'œuvre sur le terrain. Par ailleurs, 7 hélicoptères survolent actuellement les zones les plus fragilisées du réseau afin d'évaluer au plus près les dégâts et 200 groupes électrogènes sont en cours de raccordement dans les lieux de vie.
La région Centre est la plus touchée avec 93 000 clients non raccordés selon un communiqué d'ERDF qui rappelle également qu'il ne faut en aucun cas toucher et déplacer les fils électriques tombés à terre.
La situation devrait être rétablie d'ici à mercredi 3 mars.
En ce qui concerne le téléphone, France Télécom a déclaré dans un communiqué qu'environ 170 000 clients n'ont plus de service notamment dans les régions Centre, Poitou-Charentes et Pays de la Loire. " Plus de 2 000 techniciens et spécialistes réseaux sont au travail depuis hier afin de rétablir les communications " a indiqué lundi 1er mars France Télécom qui signale également que le réseau de téléphonie mobile d'Orange est affecté en raison de la coupure de l'alimentation électrique de plus de 1 000 antennes relais. Enfin, environ 100 000 lignes terminales ont été coupées, notamment suite à des chutes d'arbres. La réparation de l'ensemble de ces lignes individuelles nécessitera entre 2 à 3 semaines.
Selon le pré-rapport de la mission commune d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, le montant total des dégâts directement provoqués par la tempête Xynthia peut, à été évalué à plus de 2,5 milliards d'euros. La Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) a évalué le montant couvert par les assurances à 1,5 milliard d'euros.
Le pré-rapport note que le principal secteur victime de la tempête est l'agriculture : plus de 500 exploitations (dont 192 en Vendée, correspondant à 12 000 hectares, et 350 en Charente-Maritime, couvrant plus de 40 000 hectares) ont été inondées lors de la submersion marine ; brûlées par le sel, ces terres agricoles seront infertiles pendant plusieurs années.
Le secteur conchylicole a, lui aussi, été gravement impacté : ainsi, les ostréiculteurs de Vendée implantés dans les zones frappées par Xynthia ont subi un taux de préjudice de 50 à 100 %.
De plus, les ouvrages de défense contre la mer ont été fortement affectés : on estime que 200 kilomètres de digues ont été endommagés par la tempête dont 75 kilomètres de digues sont à reconstruire en Vendée (sur 103 kilomètres) et 120 kilomètres de digues (sur 224 kilomètres) en Charente-Maritime. En Gironde, sur les 433 kilomètres de digues que le département compte, 20 % sont considérées comme dégradées et 30 % dans un état moyen qui ne garantit pas leur stabilité.
Charente Maritime
Vendée
Deux-Sèvres
Vienne
Pyrénées et Sud-Ouest
Lyonnais, Val de Saône, Massif central
Centre et Ile-de-France
Quart nord-est en fin de matinée et début d'après-midi
La conjonction de forts coefficients de marées (102 sur la côte atlantique), une marée haute, un phénomène de surcote et de vents violents a brisé de nombreuses digues laissant la mer en furie se déverser dans les zones habitées. Par exemple, aux Sables-d'Olonne le remblai, semble avoir été complètement " soufflé ". A Port-Olona, plusieurs bateaux de plaisance ont été endommagés, un ponton a même été soulevé par les eaux. À la Baule, des commerces ont été inondés à hauteur de 80 centimètres. Sur l'île de Ré l'île voisine d'Oléron, l'eau est montée très vite à plus de 1,10 m...
Le département de la Vendée est le plus durement touché par cette tempête : 29 personnes sont mortes noyées, surprises dans leur sommeil par la brusque montée des eaux suite à la rupture des digues. Ce fut le cas à La-Faute-sur-Mer et à l'Aiguillon-sur-Mer, deux des communes les plus touchées par le passage de la tempête. En quelques dizaines de minutes, l'eau est montée à plus de deux mètres dans des habitations basses où enfants et personnes âgées n'ont pu sortir.
Il s'agit de la même situation que celle vécue par les habitants de la Nouvelle-Orléans en 2005 suite au passage de l'ouragan Katrina : les digues ont cédé et l'eau s'est engouffrée brusquement dans les habitations en pleine nuit.
Afin de colmater les brèches, le génie civil s'affaire pour apporter des tonnes de remblai sur les digues endommagées. Il faut se hâter car des coefficients de marée encore plus importants sont attendus ce jour et demain à l'Aiguillon-sur-Mer : 113 et 116 respectivement contre 102 dimanche 28 février. Les autorités ont mobilisé 500 pompiers et 200 gendarmes, appuyés par des renforts de la sécurité civile.
Ces évènements ponctuels et dramatiques nous rappellent combien les constructions, même en France, ne sont pas adaptées aux catastrophes.
Pour certains sinistrés, les digues étaient insuffisamment entretenues : puisque aucune catastrophe n'était survenue, c'est qu'elles devaient finalement remplir leur ouvrage... A titre d'exemple, le Conseil général de Charente-Maritime consacre chaque année 1,8 million d'euros à la protection de ses 420 km de côtes, soit 4,28 euros par m. En décembre, il annonçait pour 2011 "un vaste programme de réhabilitation" des 11 kilomètres de digues maçonnées de l'île de Ré, doté de moyens accrus. Sans doute les événements l'obligeront-ils à anticiper le calendrier. Sur l'île, par endroits, entre Le Bois-Plage et La Couarde, la dune a reculé de plusieurs mètres. Les falaises de la côte nord, entre Saint-Martin et La Flotte, ont également souffert. C'est tout le trait de côte de l'île de Ré qui a bougé.
Selon le maire de La Faute-sur-Mer, la digue qui a rompu faisait l'objet d'une surveillance étroite et était en bon état mais elle n'a pas résisté à l'effet conjugué des vents déchaînés, d'une mer en furie et d'un fort coefficient de marée.
Il y a 7 000 à 10 000 km de digues en France, dont certaines ont été construites au XVIIe siècle, a dit la secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno. Selon elle, environ 1 000 km de digues peuvent être considérés comme à risque.
Mais que faut-il penser des constructions récentes situées derrière les digues, sur des terres gagnées sur la mer et situées en-dessous du niveau de la mer ? Les promoteurs immobiliers et les collectivités sinistrées peuvent mesurer les conséquences de leurs choix trop souvent dictés par les intérêts financiers... Le président du conseil général de Vendée, Philippe de Villiers, a d'ailleurs estimé que le problème résidait plutôt dans des normes de construction pas assez sévères : " Partout où la terre est au niveau de la mer, il est prudent de construire plus loin ".
Pas d'estimation financière encore, mais déjà le Premier ministre François Fillon évoque " une catastrophe nationale ". Les arrêtés de catastrophe naturelle, qui permettent le remboursement par les assurances des dommages liés au inondations (les dégâts dus aux vents étant pris en charge par la "garantie tempête" obligatoire des contrats d'assurance) seront publiés dans les 48 heures. Nicolas Sarkozy, qui s'est rendu ce lundi 1er mars matin à l'Aiguillon-sur-Mer a annoncé à cette occasion une aide de trois millions d'euros, une double inspection sur les causes de la catastrophe, un plan de renforcement des digues et des aides d'urgence pour l'agriculture.
La France compte enfin demander à l'Union européenne de lui accorder des fonds sur son budget de solidarité pour l'aider à faire face aux ravages de la tempête.
Contrairement aux tempêtes de 1999, Xynthia avait été annoncée par Météo-France, tout comme le risque de crues depuis la mise en place d'une carte de vigilance "crues". De plus, fait rarissime, un bulletin d'alerte rouge avait été lancé dès vendredi par Météo-France : c'était la deuxième fois depuis 10 ans.
Cependant, si le système d'alerte a bien fonctionné, aucune mesure d'évacuation ou de consolidation des digues n'a été décidée dans les communes proches de la mer... Pourtant, selon Alain Ratier, directeur général adjoint de Météo France, " le risque de montée des eaux était clairement notifié, mais il n'était pas quantifié. Nous sommes en effet incapables de traduire les effets sur terre de la surcote, qui était estimée à 1 m en haute mer ".
En ce sens, la France ne se distingue guère des autres pays confrontés aux catastrophes naturelles. Alors que le changement climatique en cours devrait se manifester par des tempêtes de plus en plus violentes, Xynthia nous montre combien notre capacité d'adaptation est médiocre.
Enfin, si le lien avec les changements climatiques en cours est encore difficile à établir, nous pouvons toutefois nous interroger sur la puissance des dernières tempêtes en France : 1999 était la " tempête du siècle ", moins de 10 ans après, une tempête comparable en intensité mais plus localisée dévaste le sud-ouest de la France, tuant une dizaine de personnes et causant des dégâts considérables. Et un an plus tard Xynthia devenait la tempête la plus meurtrière après Lothar et Martin... Variabilité naturelle ou pas, il faudra s'habituer à ce type d'évènement...